La Frappe de Monnaie

 

Laurent Vannier et Fabian Müllers

 

 

 

L'emploi de pièces de monnaie remonte à l'antiquité. Le troc primitif ou l'utilisation d'objets d'échange, tels des graines d'orge (chez les babyloniens), ou des cauris (petits coquillages utilisés par les peuples indigènes du Pacifique et d'Afrique) est peu à peu abandonné puis remplacé. La monnaie est le plus souvent représentée par une pièce de métal frappée d'une empreinte par une autorité souveraine. Elle sert à faciliter les échanges commerciaux. En France, la plus ancienne pièce connue fut frappée à Massalia par les Grecs vers -500 av. J.C.

Au fil des siècles, les monnaies ont évolué. Du modèle grec (petites pièces avec des motifs stylisés et souvent un nom inscrit), on retrouve des survivances chez les gaulois. Les romains possédaient des pièces aux détails d'une grande finesse, avec généralement un personnage (tête, buste, ou corps entier) sur une face, et un symbole (personnel, d'une ville, d'un dieu) sur l'autre face. Les pièces médiévales n'ont pour la plupart rien de comparable aux pièces romaines, et sont plus grossières. Les rares visages sont systématiquement stylisés. Il n'existe pas de codification précise dans l'émission des pièces médiévales, et la diversité des ateliers n'arrange pas les choses ! Il faut attendre le XIIIème siècle pour avoir des pièces esthétiques graphiquement. François 1er fera mettre son visage sur son "gros blanc" (denier d'argent). Il renouera ainsi avec la tradition antique, et ses successeurs continueront dans cette voie.

La conception de la monnaie La monnaie utilisée au moyen âge comporte une certaine valeur de métal précieux. L'unité de valeur est le marc d'or ou d'argent. Un marc correspond à 8 onces (soit env. 245 g pour les ateliers monétaires royaux de Troyes).

La taille est le nombre de pièce que l'on peut tirer directement dans un marc. Le titre (ou aloi) est la proportion de métal précieux entrant dans un alliage. Le titre de l'or se compte en carat, celui de l'argent en denier d'aloi.
La combinaison du Titre et de la Taille donne la valeur intrinsèque de la monnaie. Les ateliers avaient par ordonnance royale une marge de tolérance pour la taille et le titre. Il était courant que ces ateliers rognent au maximum les quantités de métal précieux, de manière à augmenter leurs bénéfices.
Dans ces ateliers, on trouve des artisans spécialisés qui frappent la monnaie !

 

Ci-dessus deniers gaulois (Leuques et Lingons),
dupondius
de Néron

et denier d'Edouard (XIème siècle)

 

 

Pour fabriquer une pièce, on prend une rondelle de métal appelée un flan, et on l'insère entre deux coins. Un coup de masse sur un des deux coins, et la pièce est marquée. Les coins sont des matrices gravées en creux, dans lesquelles on place le flan. Ils sont généralement en acier trempé, et on en distingue deux sortes :
- la Pile, coin fixé sur un billot de bois, et que l'on appelle aussi coin dormant.
- le Trousseau, coin que l'on pose sur le flan libre. On le frappe avec une masse.

Sur la pile est généralement gravé l'avers, et sur le trousseau le revers. Le fait de frapper la pile avec une masse a donné le terme de "frappe de monnaie".

La monnaie était frappée dans des ateliers bien spécifiques. Ces ateliers de frappe étaient donnés en charge par le roi à des entrepreneurs privés, lors d'enchères à la chandelle. Le maître d'atelier s'engageait à battre une certaine quantité de métal fixée à l'avance. Il devait payer les ouvriers, le matériel et la matière première. Les coins étaient fabriqués par des orfèvres assermentés, eux-mêmes payés par le maître d'atelier. Un atelier se compose : d'un maître, qui a la gestion globale de l'atelier, d'ouvriers tailleurs et recuiseurs (qui préparent le métal et les flancs), de monnayeurs, qui frappent les pièces.

Les différents corps de métiers sont regroupés en corporations, où les places se transmettent par héritage. Si le travail est parfois peu rémunérateur, les ouvriers jouissent cependant de quelques privilèges : exemption du service d'ost ("service militaire" obligatoire de 40 jours par an) et exemption des droits de péage et d'impôts. Les ateliers sont extrêmement bien surveillés quand l'autorité royale le permet, et les coins ne sont remis au maître que lors des frappes. Les achats de métaux précieux sont également surveillés.

Après la frappe, des échantillons sont prélevés pour vérification de la monnaie, avant d'autoriser sa circulation. Le maître doit reverser au roi le droit de Seigneuriage (différence entre le prix du métal acheté et le cours des monnaies à émettre). Le reste de la différence revient au maître. C'est son droit de Brassage.

 

 

Histoire Monétaire de la France

L'Europe romaine impériale s'effondre au Vème siècle sous la pression des peuples barbares. La monnaie impériale disparaît peu à peu. On connaît alors une période de véritable chaos monétaire. Avec l'arrivée au pouvoir en Gaule des Carolingiens se rétablit le système monétaire sur l'exemple antique. Des pièces en or sont mises en circulation, ainsi que des subdivisions en argent et en bronze, afin de faciliter le commerce des biens quotidiens. La puissance publique de l'Empire carolingien va à son tour laisser la place au fractionnement féodal, et ce jusqu'au XIIème siècle.

Les ateliers féodaux d'émission de monnaies se multiplient, même si quelques grands types de monnaies s'imposent pour les transactions commerciales, particulièrement dans les foires (ex. : le Melgorien, émis depuis le Languedoc).

La reconquête des pouvoirs régaliens, entreprise par Philippe II Auguste, comprend le droit de battre monnaie. Durant le XIIIème siècle, Saint Louis restaure le prestige d'une monnaie royale par l'émission de l'Ecu d'or, premier de son espèce depuis Charlemagne ! Toutefois, les problèmes économiques et sociaux que connaît le royaume de France au XIVème siècle, entraînent une grave crise monétaire. La monnaie est dévaluée, la concurrence étrangère est forte, et les grands circuits commerciaux se détournent du royaume. C'est avec Charles VII, au XV° siècle, et le monométallisme, que se restaure une certaine stabilité du système monétaire français.

La monnaie de base utilisée au moyen âge est le denier. Il s'agit d'une monnaie réelle. Des fractions du denier furent mises en circulation pour les petites dépenses. Il s'agit de la maille ou de l'obole, d'une valeur d'un demi denier. Le denier est défini très précisément par Louis le Pieux en 825. Il faut une livre d'argent pour tailler 240 deniers. Ici, la livre est prise comme unité de poids (soit env. 460 grammes). La monnaie de compte utilisée durant tout le moyen âge est :

1 livre = 20 sous = 240 deniers = 480 mailles

 

Mais dans la pratique, c'est le denier qui est le plus souvent utilisé. La complexité du commerce et des échanges commerciaux en France relève des différents ateliers de frappe de monnaie qu'il y avait dans le royaume. En effet, selon les régions, la livre en tant qu'unité de mesure n'a pas le même poids. Et certains ateliers rognent plus ou moins sur la quantité de métal employé. On se retrouve donc avec des monnaies sensées être équivalentes, mais qui ne contiennent pas le même poids de métal précieux, et donc de fait, n'ont pas la même valeur ! Ainsi, le denier parisi (frappé à Paris) n'a pas la même valeur que le denier tournois (frappé à Tours). D'où l'intérêt d'avoir banquier et changeurs de monnaies, qui connaissaient bien celles-ci et qui pouvaient faire les conversions lors des foires et marchés !

 

La Livre : initialement, elle est un étalon de poids qui va permettre de quantifier le poids d'argent placé dans un denier. Elle est aujourd'hui une monnaie réelle utilisée dans certains pays : Angleterre, Egypte, Turquie, Pérou.
Le Sou : monnaie mérovingienne utilisée tout au long du moyen âge.
1 sou = 12 deniers.
Le Denier : les romains l'utilisaient et lui donnaient comme valeur 10 as. Au moyen âge, le nom a été conservé pour dénommer la monnaie la plus couramment utilisée.
La Maille : petite monnaie (de cuivre, généralement). Une maille vaut 1/2 denier.
Le Méreau : petite monnaie utilisée souvent comme jeton de compte, ou de présence par certaines corporations. Les méreaux étaient souvent coulés en plomb.

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie :

- Monnaies Médiévales, Jean-Philippe Cormier,Rempart,1998

- Histoire Numismatique et monétaire de France, J. Belaubre,Le Léopard d’Or,Paris 1986

- Monnaies et monnayages, P. Grierson,Aubier Montaigne,Paris 1976

- Monnaies Féodales françaises, E. Caron,Paris 1882

- La Revue numismatique, Mensuel, en kiosque

- De l ’Or et des Epices, Jean Favier,Fayard,1997